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Seul à seul avec la collection Chtchoukine

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10 000 visiteurs par jour ! Voilà l’obstacle à surmonter. Depuis son ouverture, le 22 octobre dernier, l’exposition « Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine » ne cesse d’attirer les foules, à tel point que la Fondation Louis Vuitton prévoit d’ouvrir à 7h du matin pour tous ceux qui n’auraient pas réussi à franchir sa ligne d’arrivée. Cette ligne se confond avec une file interminable, qui décourage Parisiens et touristes un à un. Les billets coupe-file sont la promesse d’une moindre attente de trente minutes, que la vague de froid récente dissuadait de braver au-dehors. Sans réservation, cette mission de résistance au climat relève de l’impossible. Quelle chance de pouvoir donc échapper à ce contexte, et découvrir l’accrochage dont on affirme qu’il va marquer la décennie.

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C’est la première exposition à investir l’ensemble de la Fondation Louis Vuitton, qui sépare habituellement ses collections permanentes de ses expositions temporaires. Cette fois, les quatre niveaux du bâtiment de Frank Gehry ont été mis à profit. La visite commence au sous-sol. À droite de l’entrée, un portrait de Sergueï Chtchoukine par Xan (Christian Cornelius) Krohn sur fond fuchsia, permet de se familiariser d’emblée à l’un des plus illustres collectionneurs du XXème siècle. Il est, en tout cas, le premier à avoir ouvert sa collection, essentiellement constituée de peintres français, au grand public. À l’inverse, son rival Ivan Morozov préférait les artistes russes, dont il réservait les toiles à son appréciation personnelle. L’étroit couloir de gauche mène à une salle de projections dédiée à La Danse, la grande absente de cette exposition. Ce célèbre panneau décoratif, conservé au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, est trop fragile pour être transporté. Son histoire se voit donc relatée sur une poignée d’écrans géants.

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Un peu plus loin, des toiles impressionnistes ravissent le regard, dont Le Déjeuner sur l’herbe. D’Édouard Manet ? Non, cette version est signée de Claude Monet. Rien d’étonnant, quand on sait que Pablo Picasso s’est aussi inspiré du célèbre sujet exposé à Orsay. Parlant du maître espagnol, il apparaît surtout en fin de parcours, car il compte parmi les dernières trouvailles de Chtchoukine. Avant lui, l’entrepreneur russe découvrit Paul Gauguin, comme en témoigne l’accrochage du rez-de-chaussée, où trône aussi une magnifique sculpture d’Aristide Maillol. Pas un chat alentour. Ainsi peut-on dialoguer avec les œuvres en toute quiétude. À l’étage supérieur, on retrouve Henri Matisse, l’auteur de La Danse. Sur la cimaise, au bout à droite, figure Harmonie en rouge. Cette composition doit son titre à un caprice. Du jour au lendemain, l’artiste décida d’en repeindre le fond, initialement bleu, en rouge. Les traces de vert sur les bords attestent cette mutation.

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En montant les escalators jusqu’au sommet, le regard se pose progressivement sur les carreaux colorés de Daniel Buren qui recouvrent actuellement la façade vitrée de Frank Gehry. Les toiles et les sculptures de Picasso introduisent désormais un volet abstrait, où domine Kasimir Malevitch. La commissaire d’exposition Anne Baldassari, ancienne présidente du Musée Picasso, tenait à inclure dans le parcours des œuvres empruntées à la Galerie Tretiakov, afin de montrer l’influence qu’exerça Chtchoukine sur l’avant-garde russe de son temps, en promouvant des artistes français. Sa collection, c’était l’amour de sa vie. Elle fut étatisée après la Révolution d’octobre par un décret de Lénine, puis redistribuée entre les musées de l’Ermitage et Pouchkine, en 1948. En convaincant ces deux institutions de prêter à la France 130 trésors nationaux, la Fondation Louis Vuitton a opéré un véritable tour de force. On peut donc se réjouir d’avoir évité des heures d’attente dans le froid.

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