Inauguration exclusive du musée Rodin
Trois ans qu’on l’attend. La réouverture du musée Rodin approche à grands pas. C’est pourquoi il n’est plus grand privilège qu’une visite privée. En avant-première (le 6, au lieu du 12 novembre) et sur-mesure, qui plus est ! Les amateurs d’art connaissent l’hôtel Biron jusque dans ses moindres recoins. Les touristes ne se lassent pas de prendre en photo la maison qui fut le dernier atelier et showroom d’Auguste Rodin. Aujourd’hui, il s’agissait de revenir sur le processus de restauration en soi. Avant. Après. Ce travail de longue haleine, Catherine Chevillot, la directrice de cet écrin luxueux, l’explique avec une limpidité et une transparence touchantes.
L’éclairage, la couleur, et la remise aux normes. Le cheval de bataille était triple. Le site étant classé, l’équipe du musée n’avait pas la responsabilité des parquets, auparavant tapissés de rustines en contreplaqué. D’après l’architecte en chef des monuments historiques, également présent, le gros challenge demeurait la décoration. Les dilemmes rencontrés face à certains échantillons de peinture étaient tels qu’il aura fallu créer une couleur exprès pour le musée, le « gris Biron ». Ladite couleur devait s’assortir tant aux boiseries à restaurer, qu’aux bronzes exposés ; et garantir une plus forte luminosité. À ce propos, chaque œuvre, qu’il s’agisse d’un tableau ou d’une sculpture, est éclairée différemment. Le système installé met la collection d’autant plus en avant qu’il oscille entre diverses tonalités.
Selon la météo, l’éclairage vire tantôt vers une gamme chaude, tantôt vers des nuances froides. Les socles sont volontairement en bois, afin de créer un effet de continuité avec le parquet. Ainsi plâtres, marbres, et bronzes se découpent sur un fond harmonieux. Pas de cartels à proprement parler. Catherine Chevillot prône « l’apprentissage par le regard », et non par les mots. Pas étonnant que les légendes, de la même couleur que les murs, passent presque inaperçues. Comme pour inviter le visiteur à regarder les œuvres avant leur descriptif.
Renoir, Ménard, et même Van Gogh… Les toiles accrochées attirent paradoxalement le regard. N’est-ce pas l’œuvre de Rodin qu’il s’agit de privilégier ? Au premier étage, on croise justement des nus masculins signés du grand maître. Se reflètent aussi dans d’imposants miroirs, floutés à dessein (pour jouer sur l’ancien et le moderne), des corps contorsionnés, voire amputés. Ainsi procédait Rodin, en assemblant des membres moulés séparément, si bien que manque à certains modèles soit une tête, soit une main. Cette esthétique de la fragmentation témoigne de l’admiration qu’Auguste Rodin vouait à l’art greco-romain. Son chef-d’œuvre « L’Homme qui marche » trouverait parfaitement sa place dans quelques département des antiquités, s’il ne datait du XIXème siècle.
Le parcours se veut chronologique, quoique rompu par deux-trois thématiques. Une des galeries, par exemple, est dédiée à Camille Claudel, l’élève et maîtresse d‘Auguste Rodin, dont « L’abandon » est une réponse directe au « Baiser » qui ouvre la visite. À l’extérieur, 90% des arbres sont à abattre. Reste à trouver les fonds nécessaires à la résurrection du jardin. À bon(s) entendeur(s) !