Fines bouches écossaises
Découvertes gastronomiques écossaises, à travers cinq tables renommées.
Article publié sur Atlantico.fr le 25 avril 2015
Qui a dit que l’on mangeait mal au Royaume-Uni ? Avis aux mauvaises langues, 2015 est l’année de la gastronomie en Écosse. L’occasion de revenir sur quelques unes des meilleures tables du pays. Face aux adresses les plus cotées d’Edimbourg, la capitale, se dresse une concurrence non négligeable. Voici notre top 5.
The Witchery by the Castle (Édimbourg)
Il a fait couler beaucoup d’encre (et de salive !). Affilié à l’hôtel du même nom, le restaurant The Witchery by the Castle est une institution d’Edimbourg. Pas étonnant, étant donné le cadre imposant qui l’abrite, à savoir une demeure marchande datée du XVIe siècle. À peine en a-t-on franchi le seuil, qu’on a l’impression de voyager dans le temps. Une hôtesse toute de velours vêtue se charge de l’accueil. On la suit jusqu’à une salle à manger richement décorée. On a perdu l’habitude de ces murs en bois brun agrémentés de sculptures et de moulures, souplesse typique de l’époque baroque. Sur les tables, des compositions florales d’un rare raffinement, assorties aux ronds de serviettes en soie bordeaux. On s’abandonne au confort d’une banquette en cuir avant de se concentrer sur le menu. Entre le colin accompagné de quinoa noir, de moules et d’un velouté de petits pois ; le risotto de pigeon ; le rôti de volaille avec brocolis violets au basilic, dur d’arrêter un choix. Les desserts imposent un autre cas de conscience : rhubarbe pochée – cake à la pistache, ou diplomate au fruit de la passion ? Impossible de résister à la tentation.
Paul Kitching 21212 (Édimbourg)
Le tête-à-tête commence face à une peinture de style Renaissance. La chute du personnage pictural préfigure la surprise suscitée par ce restaurant hors du commun. Le souffle coupé dans cette antichambre qu’est le Drawing Room, on savoure un délicieux cocktail maison, avant de rejoindre la salle à manger du Paul Kitching 21212. L’étoile Michelin vantée dans tous les guides se justifie rapidement dans l’assiette. La carte varie toutes les semaines et, par extension, au fil des saisons. Au déjeuner, le choix se limite à deux entrées et deux plats. Au dîner, on passe à trois suggestions par catégorie. Malgré son talent pour le salé, le chef reste le roi des desserts. Que ce soit le Fig « Rock & Rolls » (crème brûlée figue, maïs, amandes, faisselle et vanille), le Mad Man (mascarpone, frangipane, sésame) ou la Lemon Tart 23rd (tarte citron, fraise, rhubarbe, milkshake de faisselle, et baie de goji), tous relèvent du « génie » culinaire. Ainsi parle la critique. À quel met peut bien se référer le terme d’ambroisie (nectar des dieux dans la mythologie grecque) ? La réponse, sur place.
À 30 km de la capitale, The Dungeon (le donjon, en anglais) plonge sa clientèle dans une atmosphère 100% médiévale. L’expérience commence trente minutes avant l’heure de réservation, dans un bar-bibliothèque où il est question d’étudier le menu. Étudier, parfaitement, tant le choix est grand. On est ensuite conduit dans une salle faite de voûtes et de renfoncements. La température chute soudainement. Taillés dans la pierre, les murs arborent armes et boucliers. Au bout d’une longue table se dresse une armure des plus intimidantes. L’éclairage est tamisé par des bougies. On se croirait vraiment au XVIe siècle. D’autant plus si l’on accepte de revêtir un costume d’époque. Voilà comment il est possible de recréer un véritable banquet Jacobin. À la hauteur du décor, les plats défilent sur des airs de musique traditionnels. Ici, les saveurs de l’Écosse s’appuient sur une technique française. C’est ainsi que le chef, venu salué ses clients, présente sa propre cuisine. Rien à redire.
The Boath House Restaurant (Nairn)
Les quatre heures de route, depuis la capitale, valent largement le détour. Surtout pour découvrir la cuisine étoilée de cette grande table. Une récompense Michelin ne saurait décrire la délicatesse et l’inventivité des plats proposés. À peine garé, on tombe nez à nez avec un bloc de pierre, augmenté d’un fronton soutenu par quatre colonnes pseudo antiques. Nappes et chaises blanches se détachent distinctement sur le fond rouge du papier peint. Bordée de bois blond, chaque fenêtre donne sur les jardins du domaine et, plus loin, le lac voisin. Mieux vaut réserver pour pouvoir apprécier ce panorama verdoyant. Partisan du Slow Food Movement (mouvement international favorisant une cuisine écologique), le chef Charlie Lockley ne travaille qu’avec des produits frais, voire bio, issus de fermes locales si ce n’est du potager de l’hôtel. En effet, avant d’être un restaurant, The Boath House affiche quatre étoiles de luxe hôtelières. Et si on prenait une chambre, en vue d’une sieste digestive ?
Isle of Eriska Restaurant (Eriska Island)
À trois heures de là, l’île d’Eriska constitue une autre étape gastronomique de choix. Elle abrite un cinq étoiles, lui-même le siège d’un restaurant exceptionnel. On accède à tous deux par un pont enchanteur. Traversée magique qui ouvre l’appétit. On se presse dans la salle à manger tripartite. Le beige y domine en gage de sobriété. Seule la lumière rose qui émane de certains étalages apporte une touche de modernité. Le chêne centenaire qui se dessine à travers chaque fenêtre fait écho à un style on ne peut plus traditionnel. La liste des vins s’étire sur quarante pages. Reste à marier son repas avec le bon cru. Tâche qui s’accomplit aisément avec l’assistance d’un personnel bienveillant. Pas de doute : on sort de cette étoile Michelin, et plus largement d’Écosse, avec des étoiles dans les yeux, et surtout au ventre.