Traversée exceptionnelle d’un fjord patagonien
Il est 8h du matin. Le soleil se lève sur Puerto Natales, chef-lieu de la province Ultima Esperanza, soit le dernier espoir, en espagnol. Un nom dramatique qui préfigure le caractère spectaculaire de l’excursion à venir. On est au cœur de la Patagonie chilienne, dans la région de Magallanes. L’agitation gagne progressivement les rues. Enveloppé d’un long et épais manteau, on gagne le ponton de cet adorable port de pêche avec l’excitation d’un enfant à l’affût du moindre divertissement. Le bateau est à quai ; l’embarquement, imminent.
L’un des membres de l’équipage se charge de dérouler le cordage retenant l’embarcation au port, tandis que le capitaine achève de lever l’ancre. La traversée du fjord Ultima Esperanza peut enfin commencer. Un froid cinglant règne sur le pont. On ne saurait se résoudre à rentrer tant le paysage invite à la contemplation, pour ne pas dire méditation. La température est si basse qu’elle semble isoler les passagers les uns des autres. Perdu dans ses propres pensées, on se concentre sur la steppe patagonienne, les montagnes tapissées de forêts, les lions de mer que l’on aperçoit, au loin, sur un rivage inconnu, et enfin, le sommet enneigé du Mont Balmaceda. Un cri perçant retentit dans le ciel. Les têtes se lèvent une à une pour découvrir un groupe de condors voletant dans les airs.
L’itinéraire emprunté n’est autre que celui de Juan Ladrillero, explorateur espagnol persuadé de découvrir dans ces environs une embouchure vers l’Océan Atlantique. Dans l’imaginaire collectif, il se pose comme le deuxième navigateur, après Fernand de Magellan, à avoir traversé le détroit du même nom. Sur la ligne d’horizon se détachent également Los Cuernos. Culminant à 2 600 mètres, ce massif fait partie du Parc national Torres del Plaine, inscrit depuis 1978 au Patrimoine mondial de l’UNESCO et élu 8ème nouvelle merveille du monde en 2013 . Son aspect bigarré est dû à la superposition de diverses couches géologiques. Plus claire, la zone centrale est composée de granite. À l’inverse, la base et le sommet se composent de roches sédimentaires aux couleurs plus sombres.
Après trois heures de navigation, on arrive enfin à hauteur du Balmaceda, cet imposant glacier qui, il y a encore quelques années, atteignait la mer. Puis cap sur le Parc National O’Higgins. Débarquement immédiat. S’ensuit une courte marche jusqu’au sublime glacier Serrano. L’hiver, des blocs de glace s’en détachent pour atterrir sur un lac complètement gelé. Durant la haute saison, nombreux sont les promeneurs qui viennent profiter d’une excursion privilégiée en kayak entre les icebergs. Le soleil commence à poindre, conférant à la glace, une teinte bleutée. L’heure du retour a sonné. Le bateau s’engage de nouveau vers le fjord. À bord, un verre de pisco, alcool typique chilien, est servi aux passagers. Les glaçons flottant dans cette boisson locale évoquent le paysage alentour. Puisque l’appétit vient également en buvant, on s’arrête dans une estancia typique. Une fois à Puerto Natales, on rêve déjà de repartir.